Tu es une make-up artist établie depuis quelques années déjà. Mais est-ce qu’il y a des choses que tu aurais aimé apprendre ou faire différemment à tes débuts ?
Ma formation de make-up artist chez Make Up For Ever a été très complète, donc je ne regrette rien. La seule chose que j’ai moins approfondie, c’est tout ce qui était lié aux effets spéciaux et au maquillage de cinéma. Aujourd’hui, Make Up For Ever le propose, mais à mon époque, en 2009, ce n’était pas le cas. Après, il faut dire que cette école était une des premières à donner des cours de contouring dans le cursus, bien avant que ça devienne un phénomène planétaire et que les marques de cosmétiques créent des lignes de produits dédiées au contouring. C’était une formation vraiment très complète ! Après, bien sûr, c’est comme tous les métiers créatifs : c’est un domaine qui évolue au rythme des tendances. Donc même si tu es sorti.e majeur.e de ta promo, il faut continuer à pratiquer, tester des techniques, apprendre de tes erreurs et prendre des risques créatifs afin d’évoluer.
Certaines personnes qui te suivent sur les réseaux ne le savent peut-être pas, mais tu es devenue influenceuse beauté par accident…
Oui, à l’époque, quand je travaillais chez Make Up For Ever, il fallait que je me prenne en photo tous les jours pour montrer ma mise en beauté à mes responsables… À force de devoir me prendre en photo pour le travail, je me suis amusée à publier ces selfies de mes make-up sur mon Instagram et j’ai gagné des followers organiquement, au fur et à mesure.
Ce qui est cool, c’est que tu as réussi à détourner cette forme de surveillance professionnelle en un moment de plaisir personnel, qui a fini par devenir un plaisir partagé avec une communauté grandissante – tout en donnant ta propre définition de la beauté sur la toile. D’ailleurs, ça signifie quoi pour toi être beau ou belle ?
C’est une grande question. Être beau ou belle, pour moi, ce n’est pas forcément une question d’apparence et de standards de beauté, mais surtout une question d’attitude. Et cela évolue au fur et à mesure de notre vie. Le maquillage, par exemple, je ne l’aborde plus du tout aujourd’hui comme je l’ai abordé quand j’étais plus jeune. Adolescente, j’ai toujours souffert d’avoir beaucoup d’acné et comme pour beaucoup de filles, c’était traumatisant, car c’est difficile d’apprendre à aimer son apparence quand on souffre d’acné. En parallèle de mes traitements, mes dermatologues m’ont donc toujours encouragée à me maquiller parce que le maquillage servait de bouclier à la peau, la protégeait contre la pollution et le contact extérieur. Au début, je me servais donc du maquillage et du fond de teint pour cacher mes imperfections, car j’avais honte de ma peau acnéique, mais avec le temps, j’ai commencé à apprécier le fait de me maquiller. J’ai finalement transformé ce moment de camouflage en un moment de partage quand j’ai commencé à publier mes premières vidéos sur YouTube. À mes débuts sur YouTube, je camouflais encore mes cernes et mes petits boutons avec du correcteur, mais maintenant, je ne le fais plus du tout. Je pense que c’est la chose la plus honnête à faire vis-à-vis de ma communauté.
Tu fais partie des rares influenceuses beauté qui se filment sur YouTube sans jamais utiliser de filtres.
Oui, en effet, je n’utilise pas de filtres de beautification dans mes logiciels de montage ou via la caméra. C’est très important pour moi de ne pas truquer les images ou vidéos que je produis en postprod afin de m’améliorer en tant que make-up artist. Ne pas faire de retouches excessives, en particulier sur mon make-up, m’incite à perfectionner mes techniques de maquillage et cela me permet d’évoluer. Et puis quand je me montre telle que je suis et que je fais face à mes complexes, cela permet à ma communauté d’apprendre à aimer ses imperfections, de s’apprécier comme iels sont.