Mais la différence aujourd’hui, c’est que ma génération et celle d’après (coucou la Gen Z) ont vraiment besoin de nouveaux groupes de rock qui déconstruisent la masculinité toxique toujours présente au sein de ce genre et ses dérivés. Ces dernières années, jusqu’à ce que l’édition italienne de X Factor et l’Eurovision propulsent Måneskin au top des charts, l’entité “groupe de rock” était tapie dans l’ombre, loin des projecteurs et figée dans un imaginaire construit sur les codes d’une masculinité cis, hétérosexuelle et à prédominance anglo-saxonne. Måneskin a donc non seulement rendu le concept du groupe de rock à nouveau désirable pour le grand public, mais Damiano, Victoria, Thomas et Ethan ont surtout contribué à la déconstruction des totems machistes, misogynes et impérialistes du rock en prônant une masculinité et une féminité fluides, plurielles et vulnérables – Damiano, en totale autodérision, raconte ses problèmes d’érection sur “Bla Bla Bla” et sa codépendance amoureuse sur “Timezone” –, tout en apportant un contrepied très dolce vita, populaire et flamboyant à une culture rock protestante qui se prend souvent (trop) au sérieux.
S’il y a bien quelque chose qu’on ne peut donc pas faire, c’est de mettre Måneskin dans une case et Rush! le démontre bien : sur “Kool Kids”, le titre punk façon Camden de l’album, Damiano vocifère “We’re not punk, we’re not pop, we’re just music freaks” confirmant qu’il est difficile d’étiqueter avec précision les influences musicales de Måneskin, et ce depuis ses débuts. Des influences qui vont de Rage Against The Machine et Queens Of the Stone Age à Britney Spears et Rosalía en passant par The Four Seasons et l’iconique Italienne Nada, à l’image d’une nouvelle génération qui vit à l’ère du streaming post-genre, où l’on revendique ses coups de cœur musicaux sans se vanter d’une appartenance à une tribu ou un genre musical en particulier.