Comment as-tu traduit toutes ces réflexions en musique ?
J’ai voulu que l’album sonne comme une ballade en nature. C’est la raison pour laquelle ses sonorités sont si différentes de celles de mes précédents projets : des synthés massifs et une 808, ça ne sonnait pas juste. C’était étrange pour moi car je programme des batteries depuis que je suis gamine, et j’ai toujours aimé les sonorités très riches. J’ai senti l’envie d’aller ailleurs, alors je l’ai fait et j’espère avoir pu transcrire mon intention du mieux possible.
Je crois qu’il est de mon devoir de musicienne de surprendre. Si j’avais sorti un disque et que le public s’était dit “C’est exactement ce à quoi je m’attendais”, cela signifierait que je n’ai pas bien fait mon travail. Je veux que chacun de mes albums grandissent avec celles et ceux qui les écoutent. C’est précisément l’expérience que propose Solar Power.
Au-delà du propos, tu as annoncé que Solar Power ne serait pas commercialisé sous forme de CD et que ta tournée sera pensée afin de répondre aux exigences de la crise climatique. Penses-tu que l’on oublie trop souvent de joindre la parole aux actes ?
Je crois que c’est une des choses dont j’ai pris conscience récemment. En prenant mes distances avec le monde extérieur, j’ai eu le temps de m’interroger sur le bien-fondé des pratiques de l’industrie musicale. Lorsque j’ai sorti mon premier EP en téléchargement libre, j’aimais cet esprit de liberté. Puis de l’eau a coulé sous les ponts, et j’en viens à penser aujourd’hui au nombre de t-shirts qui ont été produits dans le monde entier par ma faute. Il faut penser à tout cela. La façon dont je gère ma carrière est-elle la plus sensible, respectueuse et intentionnelle ? Je suis à un moment de ma vie où je veux pouvoir être en accord avec ce que je fais et les raisons qui me poussent à le faire.
Que peut-on faire pour enrayer cette crise écologique ?
Pour être honnête, c’est une question très délicate. Je crois que le plus simple est de commencer par penser à son impact personnel. On peut voir que de plus en plus de personnes abandonnent leurs pratiques les plus polluantes. En ce qui me concerne, j’ai pensé à ne plus jamais faire de tournée ou à ne plus jamais monter dans un avion… Tout ce que nous pouvons faire, c’est prendre des résolutions individuelles et parler de ces problèmes, poser des questions, utiliser nos voix. Mais quoi qu’il arrive, un véritable changement ne pourra venir que de ceux qui font les lois.
C’est ce que je voulais exprimer avec ce passage de “The Path” : “If you’re looking for a savior, that’s not me.” Je me suis dit que les gens, en comprenant que mon album parlait d’écologie, allaient interroger mes propres engagements, me demander des précisions sur l’empreinte carbone de mon album… C’était ma manière de dire que je ne suis rien d’autre qu’une pop star et que je n’ai pas de solution immédiate pour résoudre cette crise. Il n’y a qu’un changement majeur dans nos textes de lois qui puisse avoir un véritable impact. Je ne suis pas la plus optimiste quant à un changement rapide, mais j’essaie de rester positive.
Quel regard portes-tu sur ta propre génération ?
Oh wow. Je suis tellement hors circuit depuis que j’ai quitté les réseaux sociaux. Je ne suis pas sur TikTok, ni sur Instagram… À force, j’ai perdu conscience de ce que font les gens au-dehors. Mais pour le peu que je vois, je suis plutôt excitée. J’ai l’impression que notre génération a le sens de ce qui est juste et que les jeunes sont de plus en plus malins. Tu ne peux pas leur faire avaler n’importe quoi, ils vont te répondre : “Non mec, ça, c’est une micro-agression.” C’est cool, c’est inspirant. Je suis impatiente de voir où tout cela va nous mener.