DAVID VENKATAPEN
@davidvenkatapen
“J’utilise le mot gros, ça ne me gêne pas. Au contraire, je pense même qu’il faut qu’on se le réapproprie. C’est un adjectif comme un autre qui fait partie de ma description physique, je suis grand, gros, barbu… Du coup, comme je l’utilise, on ne peut pas l’utiliser contre moi comme une insulte. Ça désarçonne immédiatement les malveillants”, explique David Venkatapen. À 46 ans, David est donc un mannequin homme “plus size”, comme on dirait dans le jargon du métier. Il a commencé il y a huit ans, en répondant à une petite annonce sur Facebook qui recherchait des profils d’hommes ronds et biens dans leur peau. “Ça me faisait marrer qu’un physique comme le mien puisse devenir mannequin”, se rappelle David. À l’époque, l’industrie ne se posait encore aucune question sur les notions d’inclusivité et de diversité. L’@agenceplusparis n’employait que trois quatre mannequins, contre une trentaine aujourd’hui. “Alors j’ai commencé à passer des castings, sans pour autant lâcher mon job à côté dans une administration publique.”
Ça marche, mais pas assez pour gagner sa vie. Et dans un sens, tant mieux, car cet ancrage lui permet de ne pas subir de plein fouet la violence de ce milieu. “J’ai réussi à toujours garder en tête que ce n’était qu’un boulot, qu’il fallait que je ne prenne rien personnellement”, souligne-t-il. Bien sûr, il a droit à son lot de petites phrases acerbes et maladroites. “Je me suis retrouvé dans des situations où l’on parlait de moi alors que j’étais dans la même pièce. J’ai même entendu un jour : ‘On veut bien un mec gros, mais pas à ce point.’” David continue malgré tout. Il se sent investi d’une mission : “Je me dis que mon parcours peut aider d’autres personnes qui se sentent aussi hors normes. D’ailleurs, j’ai eu beaucoup de retours positifs de personnes qui expliquaient que ça faisait du bien de voir des physiques différents.”
Alors il pratique ce qu’il appelle un militantisme soft, qui consiste à affirmer sa présence envers et contre tout. “Je revendique d’avoir le droit d’être là, d’avoir ma place. Je ne dis rien de particulier mais je suis là. Surtout, j’essaye via mon compte Instagram de montrer des hommes gros et heureux, alors que dans les médias, on a tendance à les humilier ou à se moquer d’eux. Le problème, c’est que les hommes ne parlent pas ou peu des injonctions liées à la masculinité”, analyse-t-il. Jusque très récemment, l’image de l’homme était uniquement celle d’un être puissant, viril, tout en muscles et à la mâchoire carrée, alors que cela représente une infime partie de la population masculine. Il suffit de voir le tollé qu’a provoqué la publicité Valentino montrant un homme nu et fin avec un sac à main pour comprendre que le chemin est encore long. D’ici là, David va continuer à prendre la parole et à affirmer : “Je suis différent, c’est tout.”