Entre anonymes et A-list guests : you’re nobody until you’re somebody
Après avoir vêtu de cagoules noires en latex façon SM les mannequins de son défilé new-yorkais de juin, c’est par des masques obscurs aux lignes futuristes qu’est anonymisé le casting de la première partie de ce show couture. Lignes arrondies, ces parois reflétant la lumière rappellent les formes des casques de réalité virtuelle. Coïncidence (ou pas), Balenciaga figure parmi les premières maisons de mode qui habilleront nos avatars sur Meta.
On passe du côté obscur à la lumière : à cette foule de silhouettes robotiques interchangeables succède une avalanche de stars. Le joueur du Real Madrid Eduardo Camavinga, l’icône de la télé-réalité Selling Sunset Christine Bently Quinn ou l’actrice oscarisée Nicole Kidman : des stars de renommée variée aux talents hétéroclites se croisent en robe fourreau. Bella Hadid en tenue de soirée verte succède à son ex-belle-sœur Dua Lipa – oui, on teste les connaissances people des spectateur.rice.s. Les deux icônes laissent la place à Kim Kardashian. L’ambassadrice du sac Cagole, avec sa silhouette iconique, n’est pas masquée mais le visage dégagé, entouré de deux mèches, dans une robe moulante. Pour la première fois, la femme d’affaires foule le podium – une belle revanche pour celle qui était rejetée par le milieu de la mode il y a encore dix ans. Clou du spectacle, Demna s’approprie l’ultime icône de la mode Naomi Campbell. En s’affichant avec la top aux plus de 30 ans de carrière, il s’inscrit lui-même dans l’histoire de la mode.
Deux volets pour un même dialogue racontant l’époque et le rapport à la célébrité : à la première partie évoquant la quête d’anonymat répond la seconde figurant l’hypermédiatisation des réseaux sociaux et les systèmes de surveillance, résumant les tensions à l’œuvre dans la société – et le choix difficile entre le désir de reconnaissance et l’envie d’invisibilité. En 1957, dans son essai Les Stars, le sociologue Edgar Morin expliquait que le visage des célébrités n’est qu’un masque. Il est l’écran sur lequel on projette notre admiration, nos désirs, nos déceptions. Aujourd’hui, anybody can be a star, et tous nos visages ne sont que des masques, fabriqués pour les écrans. Celebrity vs Anybody : it’s all the same.