Aya, un symbole de lutte malgré elle ?
Son ascension d’essence symbolique propose d’autres paradigmes à une communauté noire en mal de représentation. Il s’agit d’ailleurs d’une position qu’elle a toujours refusé d’endosser, rappelle Binetou Sylla, également co-autrice de Le Dérangeur, petit lexique en voie de décolonisation. En voulant la défendre des attaques racistes et sexistes, on rentre dans un cercle vicieux. On l’assigne toujours et encore, en ne faisant d’elle qu’un symbole des femmes noires. Elle est victime du symbolisme qu’on veut lui faire porter. Dans l’histoire de la musique, malheureusement, les artistes qu’on assigne à des choses comme ça finissent mal, en général. On leur enlève leur rôle d’artiste pour les assigner à un rôle de symbole, alors qu’eux, ils ont juste envie de faire de la musique. Aucun artiste ne le vit bien, même ceux qui y arrivent, ou alors il faut qu’ils le fassent très bien. Beyoncé par exemple, c’est intéressant. Elle a attendu pratiquement quinze ans avant de s’ériger comme symbole. Il y a eu toute une maturation artistique, et aussi humaine.” Mais le symbolisme n’est-il pas le propre de la pop ?
Si sa musique s’invite régulièrement chez les bobos, le succès d’Aya Nakamura s’inscrit aussi dans une ère de grand combat, contre le patriarcat, les violences policières, les violences faites aux femmes, et en dit long à la France sur ses influences faites de rencontres culturelles imposées par la colonisation et favorisées par la globalisation. La chanteuse est l’allégorie de cette phrase de Frantz Fanon, écrivain et figure de l’anticolonialisme, qui dit : « Accommodez-vous de moi. Je ne m’accommode pas de vous ». A défaut de grandes analyses sur sa présence à cet instant précis de l’Histoire, ses paroles revanchardes, son franc-parler légèrement agacé et ses regards en coin signifient son refus clair de faire un effort, comme un doigt d’honneur levé à l’adresse de ceux qui peinent à respecter sa musique pour ce qu’elle est vraiment.